Christine Raguet
Christine Raguet est traductrice littéraire. Elle a reçu plusieurs prix de traduction, dont le Prix Baudelaire en 2012 pour l’ensemble de son travail. Elle s’intéresse surtout aux littératures « des marges linguistiques et culturelles », comme les auteurs antillais, indiens ou autochtones, à l’exemple de Richard Wagamese, de la nation Ojibwé et de nationalité canadienne, décédé en 2017, qui a su décrire le monde et le mode de vie traditionnel, la nature, les relations délicates entre les populations indigènes et les blancs qui ont occupé leur territoire au fil des siècles. Ses trois romans, publiés en français par les éditions Zoé, en offrent un témoignage direct, mais sans pathos. Les descriptions de l’environnement sauvage sont d’une rare beauté et l’écriture à la fois subtile et sans affectation projette de magnifiques images qui suscitent des émotions fortes. Les étoiles s’éteignent à l’aube (récemment adapté en roman graphique par Vincent Turhan et publié chez Sarbacane) et Starlight forment un diptyque : ils décrivent la vie d’un jeune Indien, abandonné par sa famille (sa mère est décédée et son père a bien d’autres occupations !) et recueilli par un vieil homme, non natif, mais qui met un point d’honneur à lui faire découvrir sa culture ancestrale. Le premier tome, superbe roman d’apprentissage, conduit naturellement à la belle évolution du jeune garçon au milieu d’une nature a priori hostile, mais finalement si familière et accueillante.
Jeu blanc se concentre sur la question douloureuse de l’enlèvement des enfants indiens pour être placés dans des institutions religieuses dont l’objectif est d’effacer à jamais leurs coutumes, jusqu’à utiliser la violence et abuser de ces enfants. Là encore, le discours reste sobre, mais les messages sont clairs. Au centre d’une pseudo-reconstruction, on découvre le hockey sur glace, grand sport national canadien, admirablement décrit. Le lecteur est pris par la ferveur du jeu et suit avec enthousiasme les progrès du jeune Saul Indian Horse. Pour la traductrice, s’atteler au hockey sur glace, quand on ne l’a jamais pratiqué et qu’on n’en connaît pas les règles, demande des recherches précises. Certes, Internet apporte beaucoup de choses, qu’il faut savoir trier ! Mais comme pour toute spécialité, cela ne suffit pas. Il faut de vrais spécialistes ! Notre chance, les francophones, c’est que le Canada est bilingue. Et dans Jeu blanc, c’est un jeune Canadien passionné de hockey, Axel, d’ailleurs remercié dans le livre, qui a aidé à trouver les formulations justes en chaque circonstance. Le travail de traduction reste un artisanat.
Pour la traductrice, avoir la chance de transposer en français toutes ces splendides expériences a été un bonheur de chaque instant ; une promenade-découverte dans les recoins les plus retirés d’un monde encore très méconnu ; une véritable exploration ; un ravissement constant. C’est aussi cela le plaisir de traduire : un accompagnement, un partage de chaque instant, avec l’auteur, les « informateurs », mais aussi avec les futurs lecteurs.